Quel christianisme pour l’Afrique?

Article : Quel christianisme pour l’Afrique?
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15 mai 2017

Quel christianisme pour l’Afrique?

Le week-end dernier, l’une des chaînes canal plus avait diffusé un reportage sur les nouveaux prophètes. Le réalisateur était allé à la rencontre des nouvelles Eglises qui naissent en Afrique et qui enrichissent leurs pasteurs. Sachant que la question de Dieu en Afrique est une réalité très complexe, nous saisissons cette occasion pour nous interroger sur la place et sur l’avenir du Christianisme sur le continent noir.

Des Eglises dynamiques

Avant d’essayer de répondre à cette interrogation, il est important de noter que les Eglises en Afrique sont sans aucun doute les plus dynamiques dans le monde. Récemment, une étude faite par le Vatican annonçait l’augmentation des catholiques dans le monde. Selon cette même source, l’Afrique est le continent qui a le plus de potentiel. Cette étude est éloquente. Mais nous savons tous que nous n’avons pas besoin des chiffres et des statistiques pour voir la vitalité du Christianisme africain. Il suffit des parcourir les quartiers des villes africaines pour voir des Eglises naître tels des champignons. Les églises sont pleines les jours des cultes.

Le christianisme contesté

Cependant, ce dynamisme extérieur ne doit pas nous faire croire que le Christianisme ne rencontre pas des difficultés ou des oppositions sur le continent noir.

  • Dans certains milieux, il est tout simplement rejeté. Cette situation trouve sa source dans le passé lointain, mais encore traumatisant, du peuple noir. Le Christianisme est encore perçu comme étant la religion des esclavagistes et des colonisateurs. En Europe, Karl Max avait assimilé la religion à l’opium du peuple. Cette assertion marxienne a trouvé un bel écho chez toute une catégorie des intellectuels africains. Pour ceux-ci, la mission évangélisatrice avait préparé la colonisation. Bien plus elle y avait même participé. D’où le rejet du Christianisme.
  • Une autre catégorie d’Africains considère la religion chrétienne comme étant la religion des « Blancs » qui ne convient pas du tout à l’africain. Pour éviter de s’aliéner perpétuellement, l’Africain se doit de revenir tout simplement à la religion traditionnelle. Il va y retrouver son âme et par le même fait trouver les ressources nécessaires pour sortir du sous-développement. On voit se créer de plus en plus des sites ou des sessions Facebook prônant la redécouverte des valeurs de l’Egypte pharaonique. Ces nouveaux panafricanistes, s’inscrivant dans l’héritage de Cheik Anta Diop, s’attaquent ouvertement aux religions révélées. Bien plus ils affirment que celles-ci nsont des plagias de la religion égyptienne de l’ère pharaonique.
  • Enfin, le Christianisme, ainsi que toutes les religions du livre, sont la cause des violences dans le monde. Selon les détracteurs de la foi chrétienne, sa prétention à l’universalité l’a poussé dans le passé à chercher à s’imposer par la force. Il y a quelques années de cela, la commission théologique internationale au Vatican avait publié un texte sur les monothéismes et la violence . Les rédacteurs réfutent l’assertion selon laquelle les religions du livre (le Christianisme en particulier) causent la violence dans le monde.

Comme nous l’avons vu ci-haut, les oppositions au Christianisme sont nombreuses. Dès lors, les Chrétiens ne peuvent plus se contenter seulement de prier et de compter le nombre de baptêmes administrés annuellement. Les Eglises sont tenues de répondre aux défis que l’Afrique contemporaine leur lance.

Des défis à relever

  • Le premier défi est celui de l’inculturation. Mieux encore, nous préférons dire le défi de l’africanisation. Il n’est pas seulement question d’avoir des ecclésiastiques africains à la tête des Eglises ; il faut surtout que le langage chrétien prenne en compte la vie même de l’homme noir. Beaucoup pensent le Christianisme comme une religion de blanc. Or, ils oublient que l’Afrique a été un des berceaux du Christianisme. La plus grande école de théologie de l’Antiquité était à Alexandrie. Et des nombreux penseurs de l’Eglise antique sont des Africains : Cyprien de Carthage, Augustin D’Hippone, Clément d’Alexandrie, Athanase d’Alexandrie… Bien plus, la culture biblique est bien plus proche de celle de l’Afrique que de celle de l’Occident. Il est urgent et nécessaire que l’Africain ne se sente plus étranger à lui-même en étant chrétien.
  • Le deuxième défi est celui de la liberté, le combat pour la liberté. Le message évangélique se décline principalement comme étant un message de libération : libération de la mort et du péché principalement. Avec le temps, le Christianisme a bien compris que son message s’attaque à toute forme d’oppression. Et l’Afrique est remplie des forces qui l’oppriment. La dictature, la pauvreté, les violences, les guerres, la famine, les maladies sont autant des réalités face auxquelles les Eglises ne peuvent plus rester muettes et inactives.
  • Le troisième défi est celui de la cohérence entre le dire et le faire. Une phrase du pape Paul VI est devenue célèbre : «les hommes d’aujourd’hui ont plus besoin de témoins que de maîtres ». Si la foi, dans certaines parties du monde, est reléguée dans la sphère privée, en Afrique on juge de la crédibilité de ta croyance en fonction des actes posés dans la société. Gandhi avait affirmé : « Sans doute serai-je chrétien, si les chrétiens l’étaient vingt-quatre heures par jour ». Cette réflexion dit à suffisance la nécessité pour le Christianisme africain d’être cohérent dans sa manière de vivre sa croyance.
  • Enfin le quatrième et dernier est celui de l’intelligence de la foi. Croire, comprendre ce que l’on croit et garde la tête sur les épaules. Bien des fois, nous voyons des chrétiens préférer des séances de prière de guérison plutôt que d’aller à l’hôpital voir un médecin. Nous ne comptons plus ces personnes qui passent des journées à l’église à prier pour obtenir un travail plutôt que de consacrer du temps à la recherche d’un emploi. Tout porte à croire que la foi chrétienne rend paresseux et irréfléchi. Du moins, c’est l’avis de ceux qui sont témoins de tels égarements. Une foi sans raison est comme une bicyclette avec une seule roue : elle est inutile.

Ces quatre défis disent à suffisance le chantier qui est celui du christianisme en Afrique. La liste n’est pas exhaustive. Le Christianisme ne peut plus se reposer sur la « religiosité naturelle » des Africains ; il lui faut faire ses preuves.

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Commentaires

Nicaise
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Bravo pour l'analyse! Vous avez énuméré quelques facettes du chritianisme africains et les defis de l'heure! Le lien entre l'inculturation et la libération de l'Africain soutenu par P. Peonard SANTEDI mérite d'être approfondi. L'Africain doit arriver à s'approprier l'Évangile comme un ferment de rinovation. Sinon la vitalité serait seulement de l'ordre de ce qui frappe à l'oeil.

richardlexus
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Il y a encore d'autres défis. la liste n'est pas exhaustive. L'essentiel pour les Africains est la prise de conscience de la réappropriation du Christianisme.