Éternel étranger

Article : Éternel étranger
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17 juin 2016

Éternel étranger

Plusieurs épisodes de ma vie me conduisent à m’interroger sur la condition des sangs mêlés, bien que personnellement je préfère l’expression peu élégante de « personnes aux origines bâtardes ».
Une question, une seule, s’éveille en moi : pourquoi sont-elles souvent perçues comme des étrangers ? Partant de mon expérience, je peux énumérer de nombreuses raisons et certaines peuvent être très surprenantes.
Nous voici donc en 2008, année où je décide de rendre visite à ma mère après une longue période d’éloignement. Ce fut l’occasion de revenir sur ma terre natale.
Hélas les formalités administratives vont, quelque peu, refroidir mes ardeurs. Il me fallait obtenir un visa. Pour la petite histoire, je suis né dans le pays de ma mère, mais j’ai pris la nationalité de mon père. Il va donc de soi qu’en repartant chez ma mère, je devais obtenir un visa. N’empêche que pour moi j’étais perçu comme un étranger, alors que je me sentais chez moi dans ce pays où je suis né et où j’ai grandi.
La deuxième anecdote est beaucoup plus récente et de loin plus douloureuse. En effet, un soir, à Bangui, j’ai été interpellé par des policiers en patrouille. Je leur ai présenté mon permis de conduire mais en voyant lieu de  ma naissance, ils ont très vite conclus que j’étais un étranger (à leur décharge, je n’avais ni ma carte d’identité, ni mon passeport pouvant prouver le contraire). En fin de compte, ils m’ont amendé de 25 000 FCFA. Après une heure de discussion et l’intervention d’une tierce personne, assez haut placé, ils finirent par me laisser partir. Une fois à la maison, j’ai senti monter en moi la douleur d’être considéré comme un étranger chez soi.
Outre ces raisons, d’autres sont beaucoup plus évidentes.
Commençons par la langue qui révèle la capacité d’intégration d’une personne dans un groupe donné. Adopter la langue d’un lieu est un puissant moyen d’être accueilli. L’idéal serait de maîtriser les langues des peuples auxquels le « sang-mêlé » appartient. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas pour tout le monde.
En plus de la possession de la langue, il y  a l’accent. Ah l’accent ! Lors d’un de mes voyages dans un pays d’Europe, les gens étaient surpris que je parle sans accent. Evidemment c’était en comparaison à un autre natif du pays qui avait un accent très prononcé. Par ailleurs, je suis certain qu’ils auraient remarqué mon accent s’ils étaient plus attentionnés. On a beau s’exprimer parfaitement, l’accent nous renvoie toujours à notre mélange ethnique ou raciale. C’est comme un marqueur indélébile, un peu comme votre couleur.
La couleur de la peau ! Jusque-là je n’ai pas fait allusion au métissage. Mais je ne peux le passer sous silence. Pour ma part, une réalité me fait souvent sourire intérieurement : le métisse est considéré comme un blanc parmi les noirs et comme noir parmi les blancs. Il n’est nullement question ici d’un rejet raciste. Cela s’étend aussi aux personnes noires, non métisses, ayant la peau claire. A Bangui, par exemple, les gens se plaisent à les appeler  mundju : le blanc ou la blanche. Cela n’a rien de méchant ; mais on y perçoit tout de même en filigrane le rappel d’être un étranger.
Comment faire pour ne pas se sentir étranger ? J’ai envie de dire que c’est une aporie ; mais ce serait exagéré. Avec le temps, j’ai découvert qu’il y a des moyens nous permettant de diminuer ce sentiment d’être un étranger.
Il y a surêmment des nombreuses voies permettant de favoriser une meilleure immersion dans une société. Quant à moi, je ne propose qu’une seule chose : il ne faut surtout pas se considérer soi-même comme un étranger. Comment aider les autres à m’accepter sans effort de ma part. Il est impossible de faire l’unanimité ; mais je peux diminuer ce sentiment à mon égard. J’ose espérer qu’un jour j’y parviendrai…

 

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