Des « bleus » impopulaires: entre le marteau et l’enclume

14 juin 2016

Des « bleus » impopulaires: entre le marteau et l’enclume

Les attaques récentes (début du mois de juin) contre les casques bleus au Mali m’ont convaincu de faire un partage sur la popularité des soldats de maintien de la paix. Les Nations Unies mènent plusieurs missions en Afrique notamment au Congo (DR), au Mali et en Centrafrique pour ne citer que celles-là. Et pour le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne font pas toujours l’unanimité dans les pays où ils opèrent, et les raisons de leurs défaillances ne manquent pas.

En effet cette réflexion n’est en aucun cas celle d’un spécialiste en la matière, aussi nous allons simplement nous  contenter d’énumérer quelques faits (tel que vécues en Centrafrique en particulier) du désamour entre les casques bleus et les populations qu’ils sécurisent.

« Être pris entre le marteau et l’enclume » est une expression qui correspond bien à la situation des casques bleus. D’un côté, il y a ceux à qui les conflits et les troubles profitent. Bien évidemment ils ne voient pas d’un bon œil la présence de ces soldats qui les empêchent de parvenir à leur fin. Le mécontentement de ces personnes se manifeste le plus souvent par des attentats terroristes visant directement les militaires onusiens (c’est le cas au Mali). A cela nous pouvons ajouter le fait de susciter des foyers de tension pour discréditer les missions des Nations unies et par là mettre à nu leur incapacité à maintenir l’ordre.

Casque bleu 3

De par leur nom, tout porte à croire que les missions de maintien de la paix doivent trouver un accueil favorable auprès des populations civiles. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Par moment, il y a même une véritable haine à l’égard de ses soldats. Qu’est-ce qui leur est reproché ?

Tout d’abord, c’est leur faiblesse dans la protection efficace des civils. Il ne faut pas se faire des illusions. L’absence de violence physique n’est pas synonyme de paix ; il faut bien plus que cela; et s’il est vrai  que  l’instauration de la paix dans un pays dépend de la maturité de sa  population et ,de ce fait, du désir de celle-ci de sortir du conflit, il est également vrai que cette population attend des casques bleus d’être protégée contre les ennemis de la paix. Ce qui n’est pas toujours le cas selon les populations concernées. Nous avons tous en mémoire les massacres à l’Est du Congo-Kinshasa et les cris de cœur de la population face à l’inaction des forces de maintien de la paix(…). En Centrafrique, la population des quartiers environnant le PK 5 en était arrivée à accuser les casques bleus de partialité lors des événements de septembre-octobre 2015. A un certain moment, ils éveillaient même la peur au sein du peuple. Quand les soldats censés vous aider à retrouver la paix et l’ordre éveillent en vous la peur, c’est qu’il y a un véritable problème. Nous pouvons à volonté multiplier les exemples qui ne feront que corroborer le manque de confiance des civils à l’égard de ces militaires. En Centrafrique, leur présence est qualifiée de tourisme militaire. Cela en dit long sur le sentiment d’inefficacité de leur action en Centrafrique.

Un autre aspect que nous pouvons explorer, c’est le sentiment des nationaux d’être envahi par des étrangers. La présence des troupes de l’ONU est souvent perçue comme une occupation militaire antonyme au besoin d’autonomie de tout peuple. Inexorablement, cette invasion est perçue comme un moyen d’enrichissement pour les « envahisseurs ». En d’autres termes, la venue des casques bleus sert les intérêts des personnes autres que les fils du pays. Il est à noter que les soldats du maintien de la paix en mission ont des salaires plus élevés que ce qu’ils gagnent dans leur pays. Ce fait, bien connu de tous, ne fait que renforcer le sentiment pour les natifs du pays d’être sous occupation.

Certains faits (non moins importants) ternissent considérablement l’image des casques bleus. Nous pouvons citer les abus sexuels dont sont accusés des éléments des soldats onusiens. Il va de soi que des tels actes ne peuvent que susciter de la colère au sein de la population.

Face à ces accusions, les responsables onusiens se défendent et de plusieurs manières. Une de leurs lignes de défense, c’est le nombre des effectifs sur le terrain. En Centrafrique, par exemple, où il y a plus de dix mille casques bleus, il est dit que ce nombre est insuffisant pour mener à bien la mission de maintien de la paix. Il en faudrait au moions le double. Cette situation (selon les Nations Unies) procède de deux difficultés principales : celle de trouver des pays acceptant de fournir des hommes et celle de lever les fonds pour soutenir ces missions.

Une autre ligne de défense trouve sa source dans l’intitulé de la mission. Il s’agit d’une mission de maintien de la paix. Cela laisse supposer qu’au préalable il doit avoir une certaine paix pour parvenir à une paix certaine. De façon plus claire, la paix ne dépend pas d’eux, mais du désir et d’une disposition irénique des fils du pays aidé. De lors, il ne faut pas attendre des casques bleus qu’ils réalisent des miracles. Se lancer dans une réflexion dialectique sur les lignes de défense de l’ONU n’est pas dénué d’intérêt, mais cela sera fastidieux et ne répondra pas à l’esprit de mon propos.

Au lieu de s’essouffler dans la défense, les Nations Unies doivent plutôt trouver le moyen de gagner en crédibilité. Comment ? Voter des résolutions qui sont vraiment efficace et pragmatique. Pour illustrer mon propos, je désire prendre pour exemple le caveat. C’est un principe par lequel les casques bleus ne peuvent utiliser leurs armes qu’en cas d’autodéfense. Les pays fournisseurs de troupes peuvent souscrire à ce principe. Et beaucoup de pays ont recours au Caveat. Malheureusement très souvent les troupes de ces nations préfèrent rester inactives quand il s’agit de la protection des civils. Elles ne peuvent réagir que si leur état-major le leur permet. Or nous connaissons tous la lenteur de la bureaucratie onusienne. La protection des civils faisant partie intégrante des attributions  des Nations Unies dans le monde, il faut donc des lois qui donnent plus d’autonomie aux casques bleus.

Outre les résolutions, il est important de vraiment faire un travail de communication. L’une des particularités de l’esprit humain est qu’il se focalise, le plus souvent et fort aisément, sur la moitié vide du verre plutôt que de voir l’autre moitié remplie. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Il serait exagérer de soutenir que les actions menées par les casques bleus sont totalement inefficaces. Il y a certains résultats notables à signaler. En Centrafrique, par exemple, les véhicules prenant l’axe Bangui-Douala étaient escortés par les casques bleus pendant plusieurs mois. Même s’il faut reconnaître que l’efficacité de cet accompagnement variait d’un contingent à l’autre. Bien souvent les situations de conflit sont fort complexes ; et toute réflexion dans l’absolu peut nuire à la lucidité. Ainsi pour éviter cette tentation, il faut que la population soit tenue informé de la mission des casques bleus et des difficultés réelles qu’ils rencontrent.

Notre conclusion se fera en une seule phrase : les temps changent et les Nations Unies doivent impérativement s’adapter.

 

 

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